unless groth … monument parisien !
unless groth
Avec cette sculpture aux dimensions inhabituelles dans le travail de Luc & Karim Berchiche, les deux frères de La Fratrie s’attèlent à un monument parisien à l’histoire mouvementée : la halle au blé devenue bourse de commerce puis fondation d’art contemporain puisqu’elle accueille depuis 2021 la Pinault Collection.
Si La Fratrie utilisent fréquemment l’architecture contemporaine pour nourrir son travail plastique, s’inspirant aussi bien de Many Small Cubes, sculpture temporaire conçue par Sou Fujimoto pour le parcours de la Fiac au jardin des Tuileries ou encore le pavillon sculptural nomad « Yure » de Kengo Kuma mais également via des emprunts à d’autres architectes de renom comme la Fondation Vuitton de Franck Ghery, ou des bâtiments d’architectes français comme Edouard François ou Rudy Ricciotti., cette fois, le duo a vu grand avec cette œuvre, fidèle au bâtiment au premier regard mais dont les modifications notamment sur les scènes ornant le fronton se dévoilent à la seconde lecture.
La construction circulaire, élégante, d’une facture classique a souvent suscité l’admiration de ses contemporains, le plus prestigieux d’entre eux étant sans doute Thomas Jefferson, au XVIII siècle, certains allant même jusqu’à le comparer au dôme de la basilique Saint-Pierre de Rome.
Pourtant, la Fratrie n’a pas hésité à transpercer ce dôme en faisant émerger en son sommet la coursive intérieure de l’architecte japonais Tadao Ando.
Cette vis d’archimède en béton montant vers ciel dans un mouvement sans fin, évoque, par sa silhouette, la Tour de Babel de Bruegel l’Ancien, instaurant un dialogue entre le classique et le contemporain, entre le Japon et la Flandre.
Autres entorses au classicisme du monument, les trois figures allégoriques, œuvres du sculpteur Aristide Croisy, représentant la Ville de Paris flanquée de l’Abondance et du Commerce se muent en jeune fille au selfie ou bien en couple d’obèses sirotant un coca, affalés dans un sofa.
Le bâtiment sur son socle minéral, grignoté de toutes parts dans un équilibre fragile, se voit colonisé par la nature qui semble vouloir reprendre ses droits.
Le titre de l’œuvre, Endless Growth, évoque cette question fondamentale : Peut-on avoir une croissance infinie dans un monde fini ?
Par sa courbe ascensionnelle continue, la coursive de Tadao Ando rejoint la fameuse phrase de l’économiste Kenneth Boulding « Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »
L’expression est reprise à foison car, comme on le sait, il faudrait 2,7 planètes s’il était permis à chacun sur terre de disposer aujourd’hui du revenu par tête des Français.
Où se loge la beauté du monde, sa complexité ? Dans les nervures d’une feuille et une jungle d’herbes, à l’intérieur d’un chou rouge ou un morceau...
Le trait de Raphaël Tachdjian est une signature. Reconnaissable. Identifiable.