Tourists
un univers entre la
science-fiction et
la sorcellerie
Des touristes débarqués de Miami Beach ou du Mexique, de Moscou ou de Vladivostok se retrouvent seuls au monde, déracinés. Un monde impossible à cartographier tant les repères sont bouleversés, tant ce monde semble tout aussi invraisemblable que ces nouveaux habitants.
Cette série pose la question de savoir pourquoi produire de nouvelles images alors que toutes semblent d’ores et déjà avoir été faites, multipliées, reproduites. La réappropriation d’images existantes, mises à la portée de tous en un simple clic est une des multiples réponses. Contrairement à la série Nuit Américaine où le titre des images «Colorado xx» renseigne sur la géographie des lieux représentés (en fait un leurre, les images ayant été prises dans le sud de la France), la première idée de ce nouveau travail a été de faire basculer des images que j’avais réalisées à tendance pictorialiste en pleine nuit, afin d’y faire naître cette fois un non-lieu. C’est à dire une sorte de «zone» (référence au film Stalker du cinéaste Tarkovski), un endroit secret, spirituel, voire dangereux. Le ré-éclairage, ponctuel, concerne aussi bien certaines parties d’une nature devenant dénaturée, presque surnaturelle, que ces sujets situés dans l’image.
Le genre d’image le plus répandu sur le web est sans conteste la photo de voyage, de famille, touristique, bref, la photo souvenir.
J’ai ainsi procédé à un «casting» universel en «googlisant» les portraits de personnes anonymes à partir du moteur de recherche pendant des heures, en traquant l’image la plus banale qui soit. Décontextualisés, «mes» touristes visitent ces images, et donnent à réfléchir sur ce qu’ils sont par nature: aventuriers ou « spectateurs ». Ils ne sont sans doute pas préparés à entrer dans cette «zone» ou tout est possible.
Ils sont esclaves d’un moment de pause, rescapés du système Internet par erreur, dans un univers entre la science-fiction et la sorcellerie, entre la peur et la foi. Le hors-champs est tout le temps suggéré, par la présence d’une forte lumière latérale.
Ces touristes semblent être en recueillement, entre absence et présence. Si la croyance en ces images passent très bien de prime abord, il ne s’agit que d’un simulacre, car si on se penche plus en détail sur ces photographies on ne saurait qualifier cette impression de lumière, celle-la même qui jaillit d’un endroit que nul ne pourrait reproduire en réalité. En extrapolant un peu, on pourrait voir en ces personnages l’expression d’une libération conditionnelle. Ils se sont échappés de la caverne, au sens philosophique platonicien du terme, et rencontrent à présent le «vrai» monde, paradoxalement aveuglant.
Le trait de Raphaël Tachdjian est une signature. Reconnaissable. Identifiable.
La Fratrie, deux frères, Karim et Luc Berchiche, qui créent à quatre mains des sculptures fascinantes de précision et d’évocations et qui interrogent l’Homme dans son rapport...