Corée du Nord
Musée de la Photographie
Charleroi, Belgique
28 janvier > 21 mai 2023
La Corée du Nord intrigue et fascine depuis près de 70 années. « Dernière dictature communiste », « menace nucléaire », « pays ennemi », les commentaires ne s’encombrent guère de nuances pour évoquer ce pays de 26 millions d’habitants adossé à la Chine.
Que connaît-on, hors les figures de ses dirigeants successifs, hors des images des grandes manifestations populaires ou celles de manœuvres militaires, de la réalité d’un pays né en 1953 d’une guerre fratricide, du choc des blocs soviétique et américain à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ?
Hormis celles des sites gouvernementaux ou des photographes officiels, peu d’images nous en parviennent, et les journalistes étrangers ou les rares voyageurs n’en rapportent que des témoignages partiels et souvent orientés.
Entre les images de propagande et les discours de l’Occident, que pouvons-nous apprendre du quotidien d’un peuple, de ses joies, ses peines, de son travail et de ses loisirs, de ses valeurs et de ses aspirations ? L’image, même la plus neutre – s’il en est jamais –, ne pourrait traduire toute la complexité de la Corée du Nord.
Ces questions, Stephan Gladieu n’a cessé de se les poser au long de plusieurs séjours à Pyongyang et dans la campagne coréenne. Il n’imaginait certes parvenir à en trouver toutes les réponses, mais entendait au moyen de la photographie d’en approcher une réalité, celle qui s’offrirait à lui. Comment en effet ne faire acte d’humilité lorsque l’on aborde un pays que l’on ne découvrira que par fragments, en des déplacements accompagnés que la langue et les conditions de transport rendent inévitables ? Se rendre comme photographe en Corée du Nord, c’est accepter d’exercer en des limites assignées et déceler en ce qui s’offre les indices d’une société en évolution. C’est rendre à la photographie toute sa force de représentation.
À l’exemple de ce photographe allemand qui l’inspire, August Sander, qui entreprit au début du 20e siècle de dresser l’image d’une nation en ses multiples composantes plus que de représenter ses concitoyens, Gladieu décida d’opter pour le portrait, reléguant le paysage en arrière-plan, non comme un décor indifférent, mais en un espace indiciel, s’imposant le cadre de la représentation frontale. En cette approche systématique, Gladieu s’est appliqué à une véritable typologie, croisant les hommes, les femmes et les enfants, les métiers, les fonctions, les lieux de travail comme ceux de loisirs, les figures individuelles ou les groupes, conviant à diverses grilles de lecture.
Il y a plus ici que la démonstration efficace d’un photographe contraint à un exercice aux codes imposés. En ces modèles arrêtés, qui semblent parfois comme figés, il y a avant tout le souci de l’apparence, une recherche de la perfection qui est naturelle aux Nord-Coréens, cet « absolu esthétique » qu’évoque le photographe. En témoignent ces vêtements immaculés, même les plus modestes, blouses d’ouvriers ou uniformes, la propreté des rues, des parcs, des appartements, une apparence qui tient autant de la politesse que de l’amour-propre.
Que l’on ne se méprenne pas : sous leur apparence hiératique, ces photographies ne composent en rien des parodies de l’imagerie de propagande ; Stephan Gladieu s’est bien gardé de toute forme d’ironie ou de succomber à la recherche trop facile du kitsch, notion étrangère aux Coréens : sans apriori, sans militantisme ou dénonciation, Stephan Gladieu a posé un regard neuf sur un pays en devenir, parvenant à révéler l’individu au sein du groupe. Une Corée regardée dans les yeux, à l’exemple des regards échangés entre le photographe et les Nord-Coréens.
Xavier Cannone, Directeur du Musée de la photographie, Charleroi, Belgique
L’année 2020 a marqué le cinquantenaire de sa disparition … il aurait eu 80 ans cette année là.
Stephan Gladieu repousse les limites de la photo documentaire et de reportage pour la faire entrer dans le champ de la fiction et leur conférer une dimension...