Road Movie
avec Nicolas Dhervillers
Voitures mythiques
et accidents temporels …
Dans les précédentes séries de Nicolas Dhervillers (Tourists, My Sentimental Archives, Hommages), il y avait déjà cet air. Une poésie vespérale, une lumière chien-loup qui enveloppait tout. Les forêts, les montagnes, les sous-bois, les vallées, les déserts. Et dedans, des petits hommes passaient. Cʼétaient de simples anonymes glanés sur Internet et dans quelques archives ou cʼétaient des célébrités empruntées aux grands maîtres de la peinture. Nicolas Dhervillers offrait à ces figures en exil, une seconde existence, un voyage dans un paysage un peu dingue, surréel.
Dans « Road Movie », lʼartiste change dʼacteurs. Il invite des stars de métal, des voitures mythiques à sillonner ses grands espaces. Avec elles, il crée des collages fictionnels, des assemblages narratifs. Avec elles, il provoque des accidents temporels. Et une DS roule sur un chemin aride au milieu de nulle part. Et des pierres sculptées par le vent et les âges sortent de terre comme des piques. Le ciel est lourd, épais. Et lʼautomobile est seule. Au volant, il nʼy a personne. Elle semble connaître la route et elle avance vers on ne sait quel destin. Sa cousine, une Citroën SM est à pleine vitesse sur une artère, dans la gorge dʼune vallée. Derrière elle, une maison en flamme se consume. La voiture se sauve, brûle la politesse, cʼest une fugitive. Quant à la Plymouth Valiant rouge de Duel, le premier film culte de Steven Spielberg, elle arrive enfin à destination, au bout dʼune terre. Le camion qui la faisait trembler dans le thriller, a disparu. Parti, envolé. Ici, il nʼy a rien dʼautre que la mer, lʼimmensité et un phare planté là, qui lʼattend. Cʼest la fin dʼun long voyage.
Nicolas Dhervillers dirige ces automobiles légendaires comme un réalisateur. Il fait des films à «image unique». Et les coupés, les berlines, les roadsters deviennent des présences, les personnages principaux dʼun récit, dʼune séquence, dʼun morceau de scénario. Comme un metteur en scène, il touche aux lumières, maquille le réel. Dans son monde, la nuit est toujours feinte, elle est américaine. Et les horizons sont des huit clos où le temps a oublié sa fuite. Nicolas corrige, endort puis réveille les paysages, par touche, par endroit. Il joue avec les ombres, les clairs et les obscurs, avec des bouts de soleil, parfois. Dʼun champ, dʼune colline, dʼune vallée, il compose un décor. Et les voitures quʼil a projetées à lʼintérieur, traversent des régions romanesques, des énigmes où les routes sont potentiellement dangereuses. Car la beauté chez Nicolas Dhervillers, a quelque chose de lʼétrange, de lʼinquiétude, toujours.
Il est des artistes qui fabriquent des mondes, des ailleurs, des chocs. Des artistes qui ont une signature, un style. Nicolas Dhervillers est de ceux là. 34 ans et ses photographies sont déjà entrées dans de prestigieuses collections, en France et à lʼétranger. La série «Road movie» est présentée en exclusivité au festival de lʼautomobile par la School Gallery / Olivier Castaing. Les paysages ont été photographiés par Nicolas sur lʼîle de Lanzarote et dans les Highlands.
Où se loge la beauté du monde, sa complexité ? Dans les nervures d’une feuille et une jungle d’herbes, à l’intérieur d’un chou rouge ou un morceau...
Le temps fait son œuvre et Ghyslain Bertholon son temps. Une oeuvre naît.