Sur un fil…
avec Naji Kamouche
Sur un fil… Avec Naji Kamouche
Ils sont électriques les fils. Lacés, tressés, enlacés, les uns aux autres. Ils forment un cadre, une fenêtre, sur le vif, le néant, quelque part entre le réel et le rêvé. Ils offrent un endroit pour oublier, les bourdonnements d’oreilles et les grandes respirations, les maux et les affres du monde. Ils dessinent un petit coin pour inventer sa fuite, pour s’évader. Ailleurs. Et il y a ces bras, de fer, qui s’échappent, qui s’emmêlent, ces serpents électriques qui grouillent, qui se tordent et cherchent, le contact avec les prises, une énergie, une chaleur, pour se gaver, de plaisir et de culpabilité. Pourtant, c’est une méduse paralysée, qui se répand et qui glisse. L’œillade n’est plus fatale, elle ne pétrifie plus celui qui la regarde ; la terreur, la déroute s’étant perdues en chemin. Restent, seules, les franges d’une gorgone impuissante, débranchée du chaos, se faufilant sur les murs, condamnées à une vaine errance, à une impossible jouissance.
Julie Estève
Comme l’écrit Paul Guerin : « La décision artistique de donner à des objets une forte charge expressive par leur choix et leur combinaison témoigne donc du respect d’un certain silence et d’un risque assumé de laisser les choses parler tout à la fois d’elles mêmes et de soi-même …. A leur manière, les objets de Naji Kamouche sont eux aussi «parlants» mais empreints de cette pudeur qui donne à l’aveux d’un secret, d’une douleur, la forme d’une question adressée à qui saura l’entendre.»
Une révolte sourde qui va au-delà de la reconstruction identitaire de l’homme, expression métaphorique d’une réalité indicible, pour devenir universelle tout en conviant par l’intermédiation de la création artistique à une expérience unique. « Liberté toujours », apostrophe qui devient une devise en ces temps d’autocensure et de passive lâcheté collective.
Naji Kamouche brise la loi du silence et entraîne le visiteur dans l’envers du décor, trop lisse, trop policé, trop édulcoré pour refléter totalement la réalité, criant d’une vérité qui vous habite et vous accompagne à jamais. L’oeuvre s’achève avec les mots, ces mots qui composent le titre qui accompagne chaque installation ou sculpture, tel un rituel kinesthésique, choix délibéré et millimétré effectué par l’artiste, formule lapidaire tantôt gravé dans le marbre tantôt courbe et fulgurance d’un néon, voir simple tag mural, symbolisme d’une évidence absolue qui concentre la substantifique alchimie des séismes du passé.
Des mots qui ne sont jamais superflus ou qui se voudraient une figure imposée pour légender l’exposition, bien au contraire ils sont partie intégrante de l’oeuvre, ultime point d’exclamation, « des mots qui leurs vont si bien » pour paraphraser le message laissé par un visiteur sur le livre d’or Internet d’une exposition de l’artiste.
Un seul exemple mais qui s’avère tellement éloquent : « Dis-moi le regret de mon silence » chapelet de bougies gravées, mots esseulés qui ornent chaque objet-sculpture, bougies blanches comme autant de symbole d’espoir et de renaissance, bougies grises coulées telle une chape de plomb, scarifiées des non-dits, égrainant à l’infini ses mutismes qui nous consument !
Telle une chrysalide, les récits du passé se métamorphosent en réminiscences assumées, intronisation dans l’âge adulte, capable de faire face et de convier le spectateur à se prendre au jeu, narratives métaphores de nos vies, refus d’une complaisance trop confortable pour se sentir en harmonie et en paix avec nos consciences individuelles et collective.
Olivier Castaing
Leo Chiachio et Daniel Giannone : un couple d’artistes argentins explosif et atypique. S’il fallait leur imaginer une filiation, ils pourraient être les enfants improbables de Gilbert...