Mes hiboux …
et autres animaux
une installation
de Denis Polge
Denis Polge se jette dans la douceur. Peut-être pour contrer le monde, sa violence et sa perte. Il peint des lieux qui sont presque le désert, et les hommes n’existent pas. Sont-ils cachés ? Sont-ils enfermés dans ces étranges constructions dont on ne voit que les murs ? Des murs sableux. Énigmatiques.
Autour, le ciel et la terre se joignent dans des couleurs de paix. Rose pâle, des touches de bleus, de l’ocre blême : tout est pastel. Délicat. Denis peint la grâce. La grâce qui appartient à la nature. Au vivant. Aux animaux. Il y a des chouettes campées sur des arbres morts. Elles nous regardent en face avec leurs yeux ronds, leurs yeux drôles. Elles nous toisent du haut de leur sagesse, de leur connaissance. On dirait qu’elles savent ce que l’on a oublié : la beauté. La beauté d’un nuage traversé de lumière. La beauté d’une plante qui se déploie. Celle d’un crocodile et de sa peau craquée. D’un point d’eau au milieu des cailloux. De ces petites empreintes au sol qui dessinent des choses et des éclats. D’un singe, posé là, dans sa naturelle élégance. La beauté d’une rivière prise dans ses reflets, ou celle d’un héron blanc.
Les peintures de Denis Polge absorbent le silence. Comme un refuge au vacarme du monde, des hommes, de leur ontologique désordre. Il y règne, toute puissante, l’harmonie. Entre le peuple animal, les herbes, l’eau, la terre. Il reste pourtant, ça et là, les traces d’une vie humaine. Une bassine en fer. Une échelle en bois. Un vieux carton à côté d’un balai. Ces objets à l’abandon dérangent le calme, le perturbent gentiment, et projettent la toile dans notre archéologie : que sommes-nous devenus ?
Et qu’avons-nous fait des animaux, de leur destin ? Denis Polge en dresse un inventaire joyeux, coloré de malice et d’enfance. Fabriqués avec des papiers déchirés, puis collés les uns sur les autres, ils forment un bestiaire plein de matière, de poils, de plumes ou de peau. Ils sont traversés par la vie. Par une âme légère. Tous. Le cochon rose, le chameau et l’âne – bêtes à porter, le pigeon et les rats des villes, le mouton boule et la poule à pattes d’or, les oiseaux et les poissons, la grosse dinde, le cerf majestueux et si épuré qu’on croirait une ombre. L’éléphanteau qui vient de naître et marche, bancal et trébuchant. La petite chouette orange qui écarte ses ailes, pour impressionner qui ? Le hibou dans la nuit, le lézard frappé de soleil. Le corbeau gueulant à la lune. Les vaches, immuablement placides. Le lion, et sa façon d’être un lion, ce roi. Les chats marrants, et les singes assis en tailleur. Tous. Ils habitent un caractère. Toujours, Denis Polge crée avec peu de gestes. Raconte dans une économie de moyen. Il embellit le monde.
Julie Estève, critique d’art & écrivain, avril 2022
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